2024, que sera devenu notre Management ?

Patricia Guillot
Directrice des Ressources Humaines
Crédit Agricole Anjou Maine

Christophe BONNO
Directeur Général
Agromousquetaires

Stéphane DE SAINT JEAN
Directeur des Opérations Industrielles Europe
bioMérieux

Christophe MATHIEU
CEO
Brittany Ferries

Table ronde animée par

Clément Lesort
Journaliste

Concurrence exacerbée, digitalisation, arrivée de la génération Z… Challengée de toutes parts dans une économie mouvante, l’entreprise réinvente en permanence ses modes de management pour s’adapter et rester dans la compétition. Focus sur les expériences et convictions de quatre témoins « audacieux » invités à la plénière d’ouverture.

Réussir à se transformer dans un monde devenu complexe. C’est le défi de toutes les entreprises, avec de multiples enjeux à intégrer. Patricia Guillot en témoigne « Outre l’IA qui impacte fortement nos métiers et le service client, nous connaissons depuis 10 ans des exigences accrues en termes de réglementation, dit la DRH du Crédit Agricole Anjou Maine. à cela s’ajoutent la question de la rentabilité, dans un contexte de taux bas, et des enjeux sociétaux, environnementaux, etc. de plus en plus prégnants. »

Difficultés à recruter et absentéisme

Si des problématiques spécifiques se posent aux entreprises, selon le secteur et le contexte dans lequel elles évoluent, toutes partagent deux challenges : le recrutement de nouveaux talents et la réduction de l’absentéisme. Directeur général d’Agromousquetaires, Christophe Bonno voit cet absentéisme croître tous les ans. Avec un coût estimé pour l’entreprise à 108 Md€ par an. « Employant 11 000 collaborateurs en France, nous cherchons à recruter en vain 800 personnes, constate-t-il. Cette difficulté à embaucher provoque des tensions supplémentaires pour les équipes qui pallient déjà les absences. »

Pour se différencier, Agromousquetaires travaille le « vrai sujet » selon Christophe Bonno… Instaurer une culture d’entreprise basée sur un management bienveillant ET exigeant à la fois. Pour soutenir cette ambition, le pôle agroalimentaire du groupement Les Mousquetaires a ainsi mis en place une université en interne. Objectif : former les personnes qui le souhaitent au management (management de proximité, de la performance…). « Au terme de leur cursus de formation, qui dure jusqu’à 18 mois, toutes les promotions se disent satisfaites de la richesse des apprentissages et des résultats sur le terrain », se réjouit Christophe Bonno.

L’employabilité avant la carrière

Revalorisant les métiers de la banque, le Crédit Agricole Anjou Maine avance également en interne sur l’acquisition de compétences. En collaboration avec Quaternaire et l’ESSCA (École de Management) à Angers, la caisse régionale a créé son propre parcours de formation « Manager Agiléo » pour développer un management agile, inscrit dans une dynamique d’amélioration continue, résolument orienté client. Et d’autres changements de paradigme ont lieu. « Nous sommes désormais davantage sur une logique d’employabilité que de carrière, analyse Patricia Guillot. Un salarié, qui intègre notre banque, doit pouvoir développer les compétences lui permettant demain d’explorer d’autres voies. « 

« Pour se différencier, il faut donner du sens et l’envie à des jeunes entrepreneurs de rejoindre une entreprise elle-même porteuse de sens »

La compagnie maritime Brittany Ferries s’est engagée, elle aussi, dans une profonde transformation. « Notre entreprise française est portée à 80 % par le flux de passagers anglais. Avec des fluctuations de résultats en période de livre basse, indique Christophe Mathieu, son CEO. Nous devons sans cesse accroître notre rentabilité pour rendre notre compagnie plus forte et maître de son destin. » L’entreprise, pour cela, a reposé ses objectifs stratégiques dans un ambitieux projet d’entreprise.
Elle a notamment redéfini ses approches managériales historiquement « hiérarchiques et descendantes », en alliant la « verticalité » nécessaire pour le commandement d’un navire et des méthodes plus transversales, collectives.
Sur une dizaine de bateaux, le Management Visuel permet ainsi aux équipages d’organiser ensemble leur semaine de travail, de partager des instructions claires et de se donner des axes d’amélioration concrets. Ce virage s’appuie sur une conviction forte : « Pour se différencier, il faut donner du sens et l’envie à des jeunes entrepreneurs de rejoindre une entreprise, elle-même, porteuse de sens ».

Redonner du pouvoir en local

Pour bioMérieux, expert mondial en diagnostic de maladies infectieuses, l’heure est venue d’engager aussi un cycle de croissance durable. Et de se réinventer, en clarifiant notamment les responsabilités de chacun. « Le manager est devenu le « gestionnaire de l’incohérence permanente ». Il doit, par exemple, introduire des outils digitaux dans son équipe, auxquels les « super Z » et les collaborateurs plus anciens ne sont pas acculturés de la même manière », illustre Stéphane de Saint Jean. Selon le Directeur des Opérations industrielles Europe, il est important d’expliquer et de donner du sens à la transformation pour embarquer tout le monde.
Sur le terrain, le changement est déjà à l’œuvre. « Avant, toutes les équipes étaient organisées selon un mode de fonctionnement standard. Aujourd’hui, nous redonnons de l’autonomie en local, note Stéphane de Saint-Jean. Quand un manager émet une idée de management pour son équipe, on lui laisse désormais l’opportunité de mener un Proof of Concept. Ce qui est nouveau dans notre entreprise de tradition familiale habituée à valider tous les circuits… « 

Culture intrapreneuriale, raison d’être, système de délégation… Autant d’évolutions, qui participent à ériger le management de demain.

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