Équilibre « Performance & Santé »… [im]possible ?

Erick BOITEL
Phd. Docteur en philosophie de la psychologie de la performance


Le rôle central des dirigeant-es les confronte à un niveau de stress et d’adaptation continu, pouvant entraîner des facteurs pathogènes. Heureusement, ils et elles possèdent un trésor souvent méconnu : les ressources psychologiques et physiologiques et sociales.

Qu’on soit athlète ou dirigeant-e, la performance engage. Elle vient piocher dans nos ressources. Définissons-la, d’abord : la performance, c’est la capacité, pour un individu ou une équipe, à atteindre son meilleur résultat ; elle doit se conjuguer avec l’efficience, sans quoi la ressource – votre santé ou celle de vos collaborateurs – se consumera à petit feu. Quand la performance se répète encore et encore, c’est l’excellence. Normalement, rassurez-vous, la santé ne suit pas : répéter la performance à l’infini est pathogène chez beaucoup d’entre nous ! Pour certains au contraire, c’est « salutogène », cela créé de la santé. Le phénomène est observable uniquement chez celles et ceux qui savent mobiliser leurs ressources, et notamment leurs ressources psychologiques et physiologiques et sociales.

Ces ressources « psycho & physio » et sociales sont des facteurs internes relativement stables, des prédispositions d’une personne. Cela dit, attention, les différences individuelles sont fortes. Voici les principales ressources. Heureusement les ressources sont relativement, incrémentielles, « apprenables », modifiables.

  • Le sentiment de cohérence : c’est la capacité à comprendre rapidement son environnement (« je sais ce qui se passe »), à gérer les événements qui surviennent (« je peux le faire ») et à leur trouver du sens (« ça en vaut la peine »). Si une tâche a du sens, il sera plus facile de s’y investir.
  • L’agentivité ou la perception de soi-même comme acteur du monde : je peux faire arriver des choses et je ne suis pas seulement celui ou celle à qui il arrive des choses. Si nos comportements sont modifiés par l’environnement, il faut aussi comprendre que des comportements peuvent modifier notre environnement, autrement dit notre influence sur l’autre, notre pouvoir d’action. « Si vous passez votre vie à vous adapter, vous allez vous épuiser puis vous effondrer ! » résume sobrement Erick Boitel, PhD. « Mon comportement ayant un impact sur mon environnement, je comprends que les autres aussi peuvent s’adapter à moi. »
  • Le mindset, autrement dit quand la pensée détermine l’action. Chaque jour, environ 8 000 pensées (et pas toutes des bonnes idées !) nous envahissent. « Ces pensées parasites sont antinomiques avec la performance, insiste Erick Boitel, PhD. Il va donc falloir créer des règles pour modifier ce flux de pensées et les faire converger dans un système d’actions cohérents. » Le secret : la répétition à outrance. « Il faut créer des routines comportementales et orienter les pensées vers des objectifs. » Ces objectifs SMART bien sûr, dont le R est « relevant » (pertinent, en français) et auquel on ajoutera le E de « émotionnellement probant » et le S de « qui fait sens ». En matière d’échange humain, rien ne se fait sans l’intégration des émotions, même et surtout dans la recherche de performance.
  • L’optimisme car dans les équipes, il faut des optimistes. « Je connais un test pour les repérer, sourit le philosophe : on leur donne un objectif, par exemple « tu seras directeur des ventes ». Puis, on leur demande « l’objectif ne dépend-il que de toi ? » Plusieurs réponses possibles : les personnes qui répondent non (non car, non mais, non et) ne sont pas « encore » optimistes. Et parmi les personnes qui répondent Oui, seuls les « Oui et » sont optimistes (je laisse de côté les « oui mais » et les « oui car ») : en se projetant déjà au-delà de l’acceptation, les « oui et » démontrent leur volonté, ils sont en plus interne, global et stable au regard de la cause de la réussite, de plus ils ont du « Will power », et du « Pathway Power ». »
  • La résilience, c’est la capacité d’un individu à faire et réussir en condition défavorable. « Si vous attendez que les conditions soient favorables, il ne faut pas diriger une entreprise », sourit-il.
  • La pleine conscience, c’est-à-dire être au présent sans jugement. La méditation est un des vecteurs de pleine conscience mais cela peut aussi être la pratique de la plongée, le tir, etc. Les travaux montrent que la mindfulness est corrélée à la performance. L’inverse de la pleine conscience peut être l’anxiété ou l’art de projeter une solution négative.

Finalement, la mobilisation de ces ressources donne à chacun-e un plus fort sentiment d’auto-efficacité : la croyance d’un individu en sa capacité à réaliser et réussir une tâche. Plus fort est le sentiment d’auto-efficacité, plus élevés sont les objectifs qu’il s’impose. Et plus élevé l’engagement à les poursuivre.


À refaire chez vous

Pour éviter l’épuisement, vous pouvez (devez) mettre votre corps au service de votre performance. Voici les conseils d’Erick.

  1. La visualisation, comme les skieurs. Visualisez le prochain Codir et surtout visualisez ce que les autres vont faire de positif. Vous agirez ainsi sur leur comportement. Pour avoir cette influence, il faut développer votre discours interne : un ordre que vous vous donnez, positif, formulé au présent, répétitif ; c’est un ancrage. Vous pouvez l’écrire sur un post-it et le laisser sur votre bureau, bien visible. Certains sportifs font ça. Puis, réalisez une tâche que vous réussissez, et que vous recommencez en répétant votre discours interne. Le résultat, c’est que plus tard, quand vous reverrez ce discours interne, vous changerez automatiquement de comportement. Pavlovien.
  2. La gestion du stress : contrairement à ce que l’on pense souvent, il y a une zone optimale de stress. Sans stress (hypo-stress) : pas de performance ; avec trop de Stress (hyper-stress) : pas de performance. imaginez une courbe : la phase montante, c’est la stimulation, c’est du « mauvais stress » : la perturbation émotionnelle. Le but est de contrôler son stress pour l’amener volontairement en zone optimale quand on en a besoin.
  3. La respiration, elle permet d’atteindre une forme de régulation psychosomatique. Grâce à elle, vous pouvez agir sur votre cohérence cardiaque. En cela, la respiration vous permet de gérer votre stress. En temps normal et en recourant à la respiration ventrale, abdominale, vous privilégierez un rythme de 5 secondes d’inspiration et de 5 secondes d’expiration. Et si vous voulez activer la machine, passez 6 secondes d’inspiration / 4 secondes d’expiration. Vous voulez calmer le jeu ? Passez à 3 temps d’inspiration / 7 temps d’expiration.

Face à face avec Erick Boitel


Erick Boitel – Phd. Docteur en philosophie de la psychologie de la performance

Erick Boitel est docteur en philosophie de la Psychologie de la Performance, et diplômé de nombreux Diplômes Universitaires et autres Certificats Harvard, Stanford, Etc. Il a aussi tenté (trois fois) d’atteindre le Pôle Nord ; il s’est engagé dans les commandos, il a conseillé des pilotes de F1, de champions UFC, des chefs étoilés et plus de 350 Ceo. En 2015, il a co-fondé Brikx, centre de formation et d’entraînement dédié à l’amélioration de la santé et la performance des décideurs avec Marie-Camille Hegazy Myin.