RSE et performance extra-financière : prendre une longueur d’avance sur les exigences !

Anne-Laure SIMON
Co-dirigeante
Agence Déclic

Dominique MAMCARZ
Sustainability Director
Geopost

Table ronde animée par
Clément LESORT
Journaliste


Les dispositifs réglementaires (ESG, CSRD) – qui traduisent l’incitation toujours plus forte à améliorer nos impacts sur la société́ et l’environnement – se multiplient. La fonction RSE a beaucoup évolué et doit maintenant accompagner l’entreprise dans le déploiement de ces dispositifs. Selon quelles modalités ? Comment devancer ces évolutions et en faire un atout ? Explications d’Anne-Laure Simon (Agence Déclic) et Dominique Mamcarz (Geopost).

Tout s’est fait si vite. « Il y a cinq ans, la RSE était encore un sujet d’intérêt individuel et moins un sujet transverse dans l’entreprise », se souvient Anne-Laure Simon, co-dirigeante de l’Agence Déclic, cabinet de conseil et de formation en RSE. Désormais, ce n’est plus un sujet de pionnier : tout le monde est concerné et cela impacte le business model autant que le management. » Ce que confirme Dominique Mamcarz, Directeur du développement durable chez Geopost : « La RSE n’est plus un sujet à justifier chez nous et elle ne relève plus de la communication. Aujourd’hui, la vraie question n’est plus de savoir si on va le faire ou s’il y aura un ROI, mais comment et avec quels arbitrages. » La filiale logistique de la Poste s’est engagée sur un objectif fort de décarbonation : – 43 % entre 2020 et 2030, puis 0 émission en 2040. « Pour y arriver, nous avons commencé par mettre cette trajectoire sous pilotage régulier et standardisé en l’inscrivant dans les mêmes instances que le suivi de la performance financière, explique Dominique Mamcarz. Notre budget est fondé à la fois sur la finance et sur le carbone. » Une méthode qui témoigne bien de l’évolution : financier et extra-financier doivent être les deux piliers de la performance globale, et à ce titre, les critères doivent être mêlés pour être arbitrés. « Nous imposons également ces critères au comité d’investissement chargé d’acquérir de nouveaux bâtiments, poursuit-il ; ou encore lors du rachat d’une société. C’est intégré partout. »

« La CSRD, une opportunité pour les entreprises »

Une excellente façon de se préparer à la mise en œuvre de la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier. Monumentale avec ses 1 100 points de données, elle sera en effet plutôt favorable aux entreprises qui s’y sont préparées, par la mise au clair de leur chaîne de valeur. « La CSRD pousse les entreprises à décrire leur chaîne de valeur, de l’amont à l’aval, ce qui permettra d’identifier risques et opportunités à 360°, rappelle Anne-Laure Simon. Elle introduit également la matrice de double matérialité qui permet de pondérer les sujets sociaux, environnementaux et économiques à travers deux prismes : les impacts induits par l’activité́ de l’entreprise et les impacts du changement climatique sur l’activité. Cela dépassera le simple reporting et fera ressortir les sujets critiques. Par exemple, pouvoir repérer la hausse de température dans un pays qui accueille un de vos sites de production et son impact sur vos serveurs informatiques. » La CSRD apportera également un cadre commun pour toutes les entreprises de l’UE, ce dont se félicite Dominique Mamcarz. « Elle définit des règles du jeu sur un marché où il est pour l’instant difficile de comparer les chiffres. C’est le début d’une vraie transparence, ce qui est important avec le poids grandissant des agences de notation extra-financières, ces sociétés indépendantes qui évaluent désormais la politique ESG de l’entreprise. »

+13 % de performance économique avec la RSE

Cette pression ne s’oppose pas au ROI mais veut l’accompagner. « Plusieurs études font le lien entre performance économique et démarche RSE, souligne Anne-Laure Simon. France Stratégie estime d’ailleurs que la première est en moyenne améliorée de 13 % par la seconde. » En interne, Geopost a lancé plusieurs initiatives pour irriguer le terrain du robinet CSRD : « Pour l’instant, nos chefs de dépôt reportent des critères environnementaux (CO² , véhicules alternatifs, etc.), explique Dominique Mamcarz. Mais nous allons bientôt déléguer à une vingtaine de dépôts le pilotage de leur décarbonation. » La mesure s’accompagne de formations, webinaires et, pour sensibiliser les chauffeurs aux indicateurs, elle est complétée par le concours du meilleur chauffeur sur des critères tels que retour client, conduite écologique, respect des procédures, etc. Avec cette diffusion dans toutes les strates de l’entreprise, le pilotage du développement durable en central demande des compétences plus pointues. « J’ai besoin de profils spécifiques et non plus généralistes, confirme le Directeur, comme des ingénieurs, des coordinateurs. » Comme il semble loin le temps où la RSE était un sujet individuel…


Les idées clés

  • Impliquez le terrain en décentralisant dès que possible le pilotage RSE – ou une partie – au niveau de l’unité de production.
  • Imitez les entreprises les plus avancées qui n’ont plus de fonctions dédiées : la RSE, outil stratégique global, est porté par le Codir.
  • Dépassez la compliance (conformité) : si elle reste centrale dans votre politique RSE, de quels moyens disposez-vous pour aller au-delà et ainsi ne pas subir les règlementations qui s’annonçent ?