L’entreprise, le lieu de tous les possibles !

Alexandre Letenneur
Directeur Général
Quaternaire


L’entreprise est aimée et attendue pour impacter positivement la société. Malgré tout, l’écart entre les discours et les actes doit gagner en cohérence pour éviter désengagement des équipes et surenchère des normes. Ce « lieu de tous les possibles » est aujourd’hui mis au défi de l’IA, ultime transition que nous devons prendre comme une opportunité.

Depuis les années 1990, le monde était – d’après une école militaire américaine dont la théorie est depuis devenue un prisme de lecture du monde – VICA : volatile, incertain, complexe et ambigu. Depuis les années 2020, il serait devenu BANI : brisable, anxiogène, non-linéaire et incompréhensible. Certes, la conjoncture est morose avec une croissance prévisionnelle à 0,9% et le retour de la rentabilité comme préoccupation majeure pour 45 % des dirigeants. MAIS il y a tout lieu de se rassurer.

D’abord à titre individuel, puisque, d’après le psychologue américain Robert Leahy, 85% de nos inquiétudes ne se réalisent jamais ; et sur les 15 % restant, 79 % des gens estiment que cela s’est mieux passé que prévu. Ensuite à titre collectif, puisque l’entreprise a vu son image se renforcer perçue comme protectrice, attendue comme un acteur clé – plus que l’Etat et les institutions désormais objets de défiance – sur les grands sujets de société : éducation, pouvoir d’achat, environnement, emploi, inclusion.

La voici investie d’une grande mission sociétale : 80 % des Français ont confiance dans les PME et 77 % des salariés se disaient satisfaits de leur emploi en 2022.

Un dernier chiffre : 95% des Français déclarent attendre que les entreprises s’engagent d’elles-mêmes en faveur des enjeux de la société ; c’est encore plus fort qu’en Allemagne et en Pologne. Alors oui, l’entreprise est attendue sur les grands sujets, et bien sûr sa performance économique est la condition incontournable pour lui donner ce pouvoir dans la durée.

La réglementation doit être exploitée au bénéfice de l’action

Attention cependant : un tiers de nos concitoyens jugent encore que l’écart est important entre le discours et l’effort. Nous sommes mis à l’épreuve de la cohérence entre nos propos et nos actes, facteur clé d’engagement des collaborateurs. Pour palier cet écart, la norme s’est imposée, dont la dernière en date est la fameuse directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui fixe de nouvelles obligations de reporting extra-financier.

La position de Quaternaire est d’en tirer parti, l’exploiter pour conduire au plus vite les évolutions de comportements nécessaires au plus près du terrain, diffuser au plus tôt les indicateurs dans le pilotage de l’entreprise, accélérer l’action sur le terrain. La réglementation doit être exploitée au bénéfice de l’action pour rapprocher nos efforts de nos discours. Et pas seulement sur le plan environnemental : santé, travail décent, égalité, inclusion… Ce ne sont pas les objectifs de développement durable qui manquent et qui font de l’épanouissement de tous dans l’entreprise un sujet central.

La place du travail dans la vie des individus a changé : la proportion d’actifs affirmant que la place du travail dans leur vie est « très importante » est passée de 60 % en 1990 à 21 % en 2022 ; dans le même temps, presqu’un tiers des Français ne perçoivent ni le sens ni l’utilité de leur emploi. Que répondent les dirigeants ? La plupart affirment avoir déjà donné du sens ! Comment expliquer un tel décalage de perception ? Sans doute parce que dirigeants et salariés ne pensent pas à la même chose : raison d’être et RSE (responsabilité sociétale et environnementale) pour les uns, management et contenu du travail pour les autres. L’anthropologue américain David Graeber a longtemps travaillé sur la perception du travail, et nous rappelle l’importance majeure pour le salarié de son poste, de son contenu, de la finalité de ses tâches, de sa santé, de sa sécurité, et de ces relations au travail. L’échelle de la planète compte, mais pas encore autant, et en tout cas de façon hétérogène selon les catégories de salariés. Une enquête IFOP de 2023 résume la situation : la rémunération reste déterminante à 80% dans la fidélité des collaborateurs, la qualité de vie au travail et la reconnaissance le sont à 71 % et 70 %, le sentiment d’utilité du travail à 60%, tandis que la RSE en proche de 22 %…

Pas étonnant que la compétence se retrouve bien au centre des préoccupations des collaborateurs, identifiée comme le premier facteur de bien-être ; elle est une clé de l’utilité, de la performance, de la reconnaissance, et pour certains, une forme d’assurance d’être moins remplaçable par l’IA.

L’IA pour avoir plus d’impact

Car effectivement, l’intelligence artificielle (IA) vient challenger nos compétences. Elle créé de l’angoisse parce cette fois-ci, la « révolution » touche davantage les cols blancs que les précédentes avancées technologiques. Pour l’instant privée de sens critique, de libre-arbitre, d’humanité, de culture, elle reste programmée pour exécuter des tâches. Bien évidemment, des métiers vont changer, certains disparaître, d’autres se développer (ingénieur IA, data scientist, cybersécurité, etc.). Mais selon le rapport de l’Organisation Internationale du Travail, l‘IA générative va créer plus d’emplois qu’elle ne va en détruire.

La question désormais n’est plus de savoir si nous allons utiliser l’IA, si on est pour ou contre, mais comment nous allons l’utiliser pour aller plus vite, avoir plus d’impact, mieux servir les clients, moins consommer d’énergie, diminuer la pénibilité, créer des services. Pour nous dirigeants, l’IA constitue donc un enjeu de transformation supplémentaire et incontournable.

L’entreprise est le lieu de tous les possibles, oui. A condition d’être bien entraîné à ce sport de haut-niveau qu’est la transformation tous azimuts. Les révolutions se succèdent à vitesse grand V, multipliant les objets de transformation, avec trois grands mouvements de fond : exigence de responsabilité sociétale, inflexion majeure du rapport au travail, IA, et besoin de performance économique.

La transformation continue nous attend !


Les secrets de la transformation continue

Le défi, si vous l’acceptez : être capable de passer de l’amélioration continue à la transformation continue. Quatre conseils.

  1. Déployez un management de la performance équilibrée : les performances économiques, client, sociale et sociétale doivent être visées en même temps.
  2. Bâtissez un collectif : soyez entrepreneurs en équipe, ne cherchez pas à être le super héros visionnaire, vous vous ferez mal.
  3. Aidez vos managers : arrêtez de leur demander d’être des entrepreneurs, vous les complexez. Donnez-leur compétence, reconnaissance, autonomie, pour qu’à leur tour ils puissent donner du sens à leurs collaborateurs.
  4. Prenez soin de vous : de votre santé et de la gestion de vos ressources dépendra la santé de l’équipe.