Performance : s’il suffisait d’exiger…

Jacques Mounier, Directeur industriel, Nigay

Jacque MOUNIER
Directeur Industriel
Nigay

Michael Nlandu, Directeur associé et Responsable Quaternaire Formation

Michael NLANDU
Directeur associé et Responsable Quaternaire Formation

Clément Lesort, Journaliste

Atelier animé par Clément LESORT
Journaliste

Parce que la stratégie évolue, tout dirigeant vise à adapter voire infléchir la culture de la performance de son entreprise : plus orientée clients, plus productive, plus éco-responsable, plus sécurité, … Hypertrophier l’indicateur ciblé dans les tableaux de bord, brandir des slogans ou affirmer encore que c’est l’affaire des managers produit rarement l’effet escompté. Retours d’expériences de Jacques Mounier, Directeur industriel Nigay et Michael Nlandu, Directeur Quaternaire Formation.

Comment maintenir la dynamique de performance, quand on passe de 50 à 350 collaborateurs en moins de 20 ans ? C’est à cette question que l’entreprise Nigay, experte dans la fabrication de caramels, s’emploie à répondre ces dernières années. Et cela, dans un contexte de développement accéléré, se doublant d’un « passage de témoin » à venir entre la 5e et la 6e génération de la société familiale.

Jacques Mounier donne le ton en affichant deux convictions fortes. La 1ère : ce changement de braquet s’accompagne nécessairement d’une inflexion de la culture de la performance dans l’entreprise. La 2nde : une telle inflexion ne peut se décréter sur un mode pyramidal. « Pour engager cette culture du résultat, inscrire des critères de qualité dans un tableau de bord ne suffit pas. Quand tu veux une impulsion nouvelle, en termes de performance, il faut accompagner les collaborateurs jusque sur le terrain », dit-il. Quels moyens je leur donne pour cela ? et Comment ? là sont les vraies questions. »

Injecter de l’autonomie à tous les niveaux

Alors que d’autres entreprises ont subi de plein fouet la crise sanitaire, Nigay tire particulièrement bien son épingle du jeu. Sur 3 ans, depuis le début de la pandémie, la société auvergnate a enregistré une croissance de + 35 %, nécessitant d’engager une profonde transformation. « Alors que nous faisions déjà face auparavant à des saturations de sites, nous devons désormais changer à pas cadencés en développant l’autonomie et la responsabilisation à tous les niveaux. L’objectif final reste le même : gagner en agilité pour toujours mieux satisfaire le client », précise Jacques Mounier.

Développer la culture du Feed-back

En capitalisant sur son expérience au sein de Bonduelle – durant 7 ans, le responsable avait contribué à l’élaboration du programme « Libérer les énergies au service de l’organisation » -, Jacques Mounier impulse donc le changement au sein de Nigay. Et place résolument le curseur sur le dialogue et la foi dans les hommes. « Lorsqu’un changement d’échelle ne permet plus des échanges directs au sein de l’entreprise, il faut veiller à ce que chacun puisse s’exprimer pour apporter sa valeur ajoutée. Pour gagner en proactivité, nous avons instaurer le feed-back avec un programme de formation/accompagnement opérationnel. Nous avons également développé le partage entre pairs parce que les savoir-faire, les idées et surtout les solutions aux problèmes se vivent sur le terrain », dit-il.  

Parmi d’autres actions, chaque manager est ainsi invité, en dehors de l’entretien annuel, à positionner à minima 5 autres points dans l’année avec chaque opérateur. Autant d’échanges « sacralisés », nourrissant la coopération. « Il est essentiel de prendre ce temps pour encourager, féliciter, recadrer, expliquer…, commente Jacques Mounier. L’opérateur cerne mieux alors ce qu’on attend de lui, les responsabilités qu’on peut lui déléguer, ses marges de manœuvre ou encore sa place dans le jeu collectif. »

Compétences X Motivation X Moyens = l’équation parfaite !

De l’intention de changement à sa réalisation effective, l’entreprise a besoin toutefois de phases d’adaptation, d’accepter aussi de bousculer des habitudes, et de repérer les bons jalons pour avancer. « Tout le monde rêve de ce cheminement mais, comment réussir à le mettre en œuvre ? », est d’ailleurs la VRAIE question selon Michael Nlandu, responsable de l’activité Formation chez Quaternaire. Avec, pour la résoudre, des éléments de réponse sous la forme d’une équation :   

Compétences X Motivation X Moyens = Performance durable & Bien-être

« Pour parvenir à développer la performance, dans un juste équilibre d’autonomie et de responsabilisation, ce sont 3 composantes que l’entreprise doit aller rechercher », précise le consultant, qui préconise notamment le double « lâcher prise ». Donner les moyens d’agir à l’équipe suppose ainsi à la fois un lâcher prise mental – pouvoir se dire que l’opérateur, plus proche du terrain, aura des solutions plus concrètes pour résoudre son problème ou celui de ses collègues – et un lâcher prise dans le concret des processus (organisation des services financiers, schémas délégataires…). 

Quand la décision se fait… terrain

Ces verrous, Nigay commence à les faire sauter. En témoigne l’expérimentation d’une organisation d’équipe plus autonome, menée début 2021. « Alors que nous étions sous l’eau au niveau capacitaire, avec des délais de livraison qui avaient doublé, nous avons mis en place une équipe supplémentaire de 25 personnes le week-end et saisi cette opportunité pour tester la prise de décision collégiale, illustre Jacques Mounier. Ayant co-construit leurs propres objectifs, les collaborateurs étaient encouragés à trouver des solutions en petits groupes sans solliciter le manager et sans nuire aux règles de sécurité. » Après 6 mois de test, Nigay non seulement ne comptabilisait aucun incident mais la production excédait de 5 % le volume attendu. Autant de signes attestant qu’autonomie et performance sont loin d’être inconciliables. 

5 idées clés à retenir

  • Une entreprise agile est une entreprise dans laquelle la culture du feed-back est forte 
  • Un salarié autonome et responsable montre un degré d’engagement dans son travail bien plus élevé que s’il n’est qu’un simple exécutant 
  • Plus on décrit les missions de l’opérateur, plus on l’enferme dans ces missions, plus on réduit sa prise d’initiative 
  • Un projet construit en collectif n’est réussi que s’il y a reconnaissance systématique de la contribution de chacun dans l’atteinte des résultats 
  • Libérer les énergies prend du temps, passe par une succession de petites marches, petits succès qui font grandir le degré de confiance de chacun…