Usine 4.0 : réussir la transformation des métiers et du management

Cyril Menon - Soitec- RDVM19

Cyril MENON
Executive Vice President Operations
Soitec

Hervé Cantelou-Daize - Barry Callebaut -RDVM19

Hervé CANTELOU-DAIZE
Cocoa Operations Manager France
Barry Callebaut

Karol Horvath - FBE - RDVM19

Karol HORVATH
Associé
FBE

Dusana Stanova- Volkswagen Slovaquie - RDVM19

Dusana STANOVA
Senior Specialist
at New Projects
Volkswagen Slovaquie

Atelier Table ronde animé par

Clément Lesort
Journaliste

Nicolas Houillon
Quaternaire

D’ici 2022, les industriels européens prévoient de consacrer plus de la moitié de leurs investissements au 4.0. Dopant la performance, cette digitalisation accélérée impacte aussi les métiers et le management. Une transformation essentiellement humaine, sur laquelle 4 experts donnent leur vision.

Internet des objets, big data, intelligence artificielle, réalité augmentée, robots collaboratifs… Sous l’effet du numérique, le visage de l’industrie se métamorphose. Et les usines en France, comme à l’étranger, progressent rapidement sur cette nouvelle voie de l’excellence opérationnelle.

Le digital, accélérateur de performances

Retraçant leurs expériences, les intervenants confirment d’abord la corrélation entre digitalisation et amélioration des performances : Cocoa Operations Manager France, chez Barry Callebaut, le leader mondial du cacao, Hervé Cantelou-Daize l’illustre en quelques chiffres. « En lien avec le 4.0 et l’accompagnement de Quaternaire, l’activité de l’usine de Louviers a crû de 40 % en 5 ans et franchi le cap des 300.000t produites, dit-il. Grâce à a mise en place de capteurs IoT et l’utilisation d’outils d’analyse BigData, nous avons pu améliorer la fiabilité de certains de nos équipements et donc réduire leur taux de panne. Ces technologies nous ont également permis de travailler sur les consommations énergétiques du site, qui ont évolué de 420 kW/h à 300 kW/h par tonne. »

De la data à trier, stocker, analyser…

Témoignant des avancées extraordinaires sur l’ensemble du process industriel (maintenance, supply chain, qualité des produits, etc.), les experts identifient aussi les défis à relever. à commencer par une exploitation plus fine des milliers de données que génèrent la digitalisation.« L’une de nos usines compte 500 équipements totalement connectés générant 1 million de données par jour. Il faut parvenir à mettre sous contrôle les données les plus stratégiques et les analyser pour créer davantage de valeur pour l’entreprise et continuer à innover. Et c’est au Management, encadrement et managers de proximité, d’apprendre à jongler avec cette nouvelle richesse d’information pour prendre les meilleures décisions en temps réel », commente Cyril Menon, Executive Vice President Operations de l’entreprise Soitec, producteur mondial de matériaux semi-conducteurs.

Des outils au service de la stratégie de l’entreprise…

Employant 14 800 personnes, le site de Volkswagen Slovaquie à Bratislava fait figure de précurseur sur le terrain du 4.0. Avec près de 3 000 robots et 300 AGVs, participant notamment à la construction de véhicules autonomes guidés. Pour Dusana Stanova, Senior Specialist at New Projects, les déploiements technologiques exigent, plus que jamais, vision et sens. « Expérimenter davantage d’IA demande d’avoir une feuille de route cohérente et le budget correspondant,  . Dans notre usine, qui a 25 ans, les ateliers n’ont pas été créés en même temps. Connecter leurs différents systèmes opérationnels constitue déjà un 1er challenge. Ainsi, la priorisation des grandes options technologiques, entre maintenance prédictive, cobotique ou les outils digitaux de pilotage de la performance par exemple, dépend de l’impact et des bénéfices attendus par rapport aux investissements financiers et humains réalisés ».

Hervé Cantelou-Daize va dans le même sens. La digitalisation ne doit pas être une orientation stratégique du comité de direction. Mais bien, avant tout, un levier de réalisation de la stratégie de l’entreprise. « Avant de la déployer, il faut s’interroger sur nos besoins spécifiques. Comment pouvons-nous mieux servir nos clients, internes et externes, et mieux travailler ensemble ? « , dit-il en soulignant la place cruciale de l’intelligence collective pour progresser.

« Le 4.0 est un nouveau pilier de l’Excellence Opérationnelle, qui par une évolution dans les usages améliore la performance sur le terrain »

… et du collaboratif

Donner toute sa place à l’humain dans l’usine 4.0, est au cœur des préoccupations. « Nous avons tant de données aujourd’hui qu’il est possible de tout contrôler et de demander des comptes aux équipes. Il faut donc rester vigilants sur les risques psychosociaux, observe Cyril Menon. Plutôt que d’apporter une couche de contraintes supplémentaires à nos équipes, les solutions 4.0 doivent, au contraire, libérer les énergies et la prise d’initiative au plus près du terrain.

Pour Hervé Cantelou-Daize, l’émergence de toutes ces nouvelles technologies, est avant tout l’occasion de repenser les métiers et les compétences de ses collaborateurs.« Grâce au 4.0, l’opérateur a accès sur sa tablette à toute l’information et à tous les savoirs de l’entreprise. Il est aidé dans la prise de décision en temps réel. Il devient bien plus autonome… « 
Associé au sein de FBE, société de conseil partenaire de Quaternaire sur la Slovaquie et la République Tchèque, Karol Horvath partage cette vision. Pour le consultant, qui accompagne le projet de transformation de VolksWagen à Bratislava, le digital favorise les interactions et les avancées collaboratives au sein de l’entreprise. Avec une meilleure connaissance, entre elles, des différentes parties prenantes de l’entreprise.

« Le plus important dans le processus industriel est la transparence. Les outils du 4.0 favorisent les échanges et la compréhension partagée des problèmes rencontrés. 

L’usine 4.0, Lieu d’une profonde révolution managériale

Pour Nicolas Houillon, consultant chez Quaternaire, en charge des projets Usine 4.0, l’usine du futur est d’abord le lieu d’une profonde révolution managériale. « Nos clients ne vont pas vers le 4.0 pour faire du 4.0. L’ensemble de ces solutions technologiques doivent avant tout servir la stratégie de l’entreprise. En ce sens, le 4.0 est un nouveau pilier de l’Excellence Opérationnelle, qui par une évolution dans les usages améliore la performance sur le terrain. Cela signifie que l’usine 4.0, c’est 20% de technologie, mais que derrière, il y a toujours deux mains, deux yeux, deux oreilles et surtout un cerveau qui utilisent ces technologies pour faire son travail de manière plus efficiente. Cela ne se fera pas sans impacts profonds sur les organisations et les styles de management. Effectivement, des opérateurs « augmentés » plus connectés et plus autonomes, vont changer la donne en termes de répartition des activités et vont immanquablement conduire à une réflexion de fond sur le manager connecté de demain… ».